Le vote des eurodéputés sur les nouvelles techniques génomiques divise
La position du Parlement européen sur les nouvelles techniques génomiques (NTG) a suscité de nombreuses réactions de leurs partisans comme de leurs détracteurs.
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Le 7 février 2024, le Parlement européen s’est prononcé en faveur de la proposition de règlement sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NTG ou NBT en anglais) de la Commission européenne, présentée le 5 juillet 2023.
« Il nous faut en semences tous les moyens innovants, dont les NTG, pour maintenir l’excellence de la filière semencière française », a assuré Laurent Bourdil, président de l’Anamso, le 7 février 2024 à l’occasion d’un colloque sur les innovations techniques organisé par l’Anamso et Semae. « On peut espérer une entrée en application en 2028 et peut-être à l'horizon de 2030 de premières semences issues de ces techniques », a également indiqué Sébastien Paque, responsable du pôle de l'amélioration des plantes de l’UFS.
Une « étape importante »
Le Collectif en faveur de l’innovation variétale (1) s’est félicité dans un communiqué de « cette étape importante ». « Ce vote reflète une prise en compte des moyens et potentiels que proposent la science et l’innovation pour relever les enjeux agricoles et environnementaux, grâce à un cadre juridique clair et adapté », estime-t-il.
Ces organisations appellent à regarder « en détail le texte adopté […] en perspective de la prochaine étape qui aura lieu lors du Conseil de l’Union européenne de la fin de février ». Elles demandent aux ministres de prendre « leurs responsabilités en donnant des outils et des perspectives au secteur agricole et alimentaire européen par un texte équilibré et fonctionnel ».
Pour le Copa-Cogeca, les NTG « ne pouvaient plus rester dans le même cadre réglementaire que les OGM ». « La situation était incompréhensible et anachronique du point de vue de la science et des agriculteurs », insiste-t-il. L’organisation syndicale salue la distinction en deux catégories des plantes issues de NTG : celles de catégorie 1 (NTG-1) de type conventionnel devant suivre les règles de sélection de semences conventionnelles, et celles de catégorie 2 (NTG-2) soumises à des exigences plus strictes. Elle « note positivement la clarification de la procédure de vérification des plantes NTG 1 et l’adoption des amendements concernant l’exclusion de la brevetabilité ».
Une version qui « clarifie les points soulevés au cours des débats »
L’AFBV et trois autres organisations (2) se sont félicitées du vote du Parlement européen. Elles espèrent que le « Conseil de l'Agriculture et de la Pêche trouvera également un accord, permettant le lancement de la procédure de trilogue et l’opportunité de parvenir à un consensus sur un texte final positif et praticable ». Pour elles, « cette version devra clarifier les points soulevés au cours des débats sans remettre en cause les principes fondamentaux du projet, en particulier la création de deux catégories de plantes : les plantes NTG-1 seront considérées comme étant de type conventionnel si leur conformité à certains critères d’équivalence est confirmée par les autorités compétentes. »
Dans un communiqué commun, le Coceral et la Fediol (3) « saluent la clarté sur les variétés de type conventionnel qui pourraient être obtenues grâce aux NTG, grâce à une approche de notification simplifiée […] capable d’accélérer le lancement sur le marché de nouvelles variétés végétales. »
Le Cese a rappelé que « par ce vote, le Parlement européen ouvre la voie à de futures négociations avec les États membres qui n’ont pas encore arrêté leur position sur le texte, dont la France, qui avait saisi le CESE pour rendre un avis sur le sujet et nourrir sa position ».
Perte d’autonomie des agriculteurs et sélectionneurs
Les opposants à la « déréglementation » et aux « nouveaux OGM » appellent la France à ne pas soutenir le projet. Pour Greenpeace, « la proposition de la Commission conduirait à davantage de brevets, s’étendant à la sélection conventionnelle et aux caractéristiques déjà présentes dans la nature ». L’ONG considère que « les agriculteurs et les sélectionneurs pourraient perdre leur autonomie et la liberté de cultiver ce qu’ils veulent ».
Le Parlement européen a, quant à lui, demandé l’interdiction des brevets déposés pour l’ensemble des végétaux NTG. Greenpeace regrette par ailleurs qu’en France, « l’avis de nombreux scientifiques n’ait pas été suivi, dont celui de l’Anses ».
« Dangereux et liberticide »
Pollinis déplore également l’absence « d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux malgré le manque troublant d’études et de recul sur ces nouvelles techniques ». L’ONG estime que le texte adopté par le Parlement soustrait « la majorité de ces OGM à toute évaluation des risques », et est « sans dispositif pour limiter les contaminations des autres cultures ».
Cela « empêchera les producteurs de semences (en particulier de fermes et paysannes) d’assurer une absence de NTG dans leurs produits », affirme Pollinis. Pour l’organisation, considérer les plantes NTG de catégorie 1 comme équivalentes aux plantes conventionnelles « sans aucun fondement scientifique, est à la fois dangereux et liberticide. »
La Confédération paysanne a réagi sur X (ex-Twitter). « C’est un vote contre les droits des paysans et des citoyens de choisir ce qu’ils cultivent et ce qu’ils mangent », estime le syndicat.
#OGM Sans surprise, le @PEStrasbourg a voté pour la déréglementation des #OGM au profit de l'agro-industrie et de ses multinationales. C'est un vote contre les droits des paysan·nes et des citoyen·nes de choisir ce qu'ils cultivent et ce qu'ils mangent. pic.twitter.com/PGb9LBIcRY
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) February 7, 2024
Le pire évité en bio
« Le pire est évité, mais encore de nombreuses inquiétudes pour la bio, a commenté la Fnab. Le Parlement a tenu compte d’une des demandes du secteur de l’agriculture biologique qui plaide pour une interdiction des NTG en bio. Mais ce n’est qu’un sursis car une clause de revoyure dans sept ans relancera les débats. » Le syndicat « compte sur la France et les autres États membres du Conseil de l’Union européenne pour sécuriser la traçabilité tout au long de la chaîne ».
(1) Le Collectif pour l’innovation variétale regroupe 30 organisations représentatives des agriculteurs et des filières agricoles et agroalimentaires qui souhaitent valoriser l’intérêt de la sélection variétale pour répondre aux enjeux du changement climatique et de souveraineté alimentaire.
(2) Association française des biotechnologies végétales, Wissenschaftskreis Genomic und Gentechnik, European Sustainable Agriculture Through Genome Editing et Gesellschaft für Pflanzen Biotechnologie.
(3) Le Coceral est l’association européenne du commerce des céréales, oléagineux, légumineuses, olives, huile, huiles et graisses, aliments pour animaux et agroalimentaire. La Fediol est l’association européenne de l’industrie des huiles végétales et des tourteaux protéiques.
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